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CARACTERISTIQUES MECANIQUES DU BAMBOU

1 - Resumé

Pour mieux connaître et valoriser le produit en Europe, nous proposons des données basiques bibliographiques. La comparaison des performances mécaniques du bambou à celles des bois usuels est nettement à l’avantage de l’essence étudiée. En effet, tous diamètres confondus le MOR (Module à la Rupture) en traction est de l'ordre de 200 MPa et en compression il est de 70 MPa. Le MOE (Module d’élasticité) en flexion est de 13500 MPa. En règle générale les propriétés physiques et morphologiques sont fortement corrélées au diamètre de la tige.

2 - Introduction

Le bambou est sans aucun doute un des plus anciens matériaux de construction. Il présente plusieurs avantages par rapport à d’autres matériaux d’origine végétale (comme le bois) :

En revanche, il est vulnérable aux attaques biologiques [Willeitner et Chen 1985, GRET 1986] et il a de grandes variations dimensionnelles. D’autre part, son assemblage structural se heurte à ses caractéristiques morphologiques [Lopez 1981, Langlais 1987, Jansen 1995].

La résistance à la rupture d'un matériau est l’une des propriétés mécaniques les plus importantes pour le dimensionnement des structures. Les essais mécaniques (traction, compression, flambement et flexion) permettent d’obtenir la contrainte ultime (MOR) par type de sollicitation, ainsi que le module d’Young (MOE module d’élasticité).

Tous ces essais ont donné lieu à plusieurs séries de mesures dont nous avons extrait quelques tendances illustrant la variabilité du bambou : masse volumique, épaisseur, diamètre, humidité, MOR et MOE en traction, compression et flexion. Les résultats de cette étude statistique sont utilisés dans le but de comparer les valeurs trouvées expérimentalement à celles des bois usuels.

3 - Le matériau bambou

Un chaume de bambou est de section cylindrique creuse. Il est compartimenté par des nœuds, de telle sorte qu’il peut être considéré comme un ensemble de tubes séparés par des diaphragmes. La couche externe est recouverte d’un vernis naturel (cuticule), tandis que la couche interne est recouverte par une membrane. Sur le plan anatomique, le bambou est composé par trois types de cellules : les vaisseaux, pour la fonction de conduction ; les cellules de parenchyme, pour la fonction chimique et les faisceaux de fibres pour la fonction de résistance mécanique [Liese 1987 ; EWWBM 1989]. La lignification du chaume se fait de l’extérieur vers l’intérieur et progresse du pied vers le sommet de la tige [Itoh 1990].

Les directions naturelles du bambou sont comparables à celles du bois droit de fil. En effet, de par ses trois directions privilégiées (longitudinale, radiale et tangentielle) , le bambou peut globalement être considéré de la même façon (Figure 1). L’absence de rayons ligneux permet de confondre les comportements dans les directions radiales et tangentielles. Cette propriété revient à considérer le matériau bambou comme étant isotrope transverse.

Comme le bois, les différents types de cellules sont composés de cellulose (longues chaînes moléculaires partiellement cristallisées) et d'une matrice de lignine et d'hémicellulose (composés amorphes). La résistance du matériau est proportionnelle à sa composition chimique ainsi qu’à sa masse volumique.

Bien entendu, la teneur en eau influence les caractéristiques du bambou. En général, la résistance d'un pied sec est plus élevée que celle d'un pied vert. Cette différence est d'autant plus marquée que la tige est jeune [EWWBM 1989 ; Itoh 1990].

La coupe dans le plan TR révèle une différence de masse volumique dans l'épaisseur, celle-ci varie de 0.5 à 0.8 g/cm3 de l'intérieur vers l'extérieur du tronçon. De même, au sein d'un pied de bambou, elle croît de bas en haut. La densité informe sur la quantité de fibres contenue dans la section, donc, sur la résistance du matériau. A titre d'exemple, la contrainte de traction ultime varie du simple au double suivant l'origine de l'éprouvette dans l'épaisseur [Itoh 1990].

Figure 1, Orientation de la tige de bambou selon ses directions naturelles

Figure 1 : Orientation de la tige de bambou selon ses directions naturelles (longitudinale, radiale et tangentielle).

4 - Les essais de résistance pratiques sur le bambou

Ce sont les mêmes que ceux pratiqués sur le bois, à savoir la traction, la compression et la flexion. Nous présentons des résultats d’essais réalisés sur une espèce issue du sud de la France : le Viridi Glaucesens

a) Les essais de traction

L'essai de traction se fait dans la direction longitudinale, parallèle aux fibres. Nous avons vu lors d'une précédente étude que la présence d'un nœud, de par la discontinuité des fibres qu'elle apporte, avait pour effet de diminuer les caractéristiques mécaniques du matériau [Lee et al. 1994; Roux et al. 1993].

Figure 2, Forme des éprouvettes de traction.

Figure 2 : Forme des éprouvettes de traction. Pour résister à l’écrasement dû à la pression des mors elles présentent une surface plus importante.

Figure 3 : Méthodologie d’extraction d'éprouvettes dans les plans LT (sous-éléments de quartier) et LR (quartier).

Dans le cas du bambou sec, le diagramme charge - déplacement est pratiquement linéaire. La rupture de l'éprouvette est identifiée à la contrainte ultime du matériau (MORt). Dans le cas d'une éprouvette présentant des points de faiblesse, une rupture locale peut se produire bien avant la rupture finale. Dans tous les cas, nous observons une rupture de type fragile, le seuil plastique étant très réduit.

La série d’essais a permis de mettre en évidence la variation des propriétés mécaniques au sein de l’épaisseur. Les résultats montrent que le MOEt et le MORt sont beaucoup plus élevés à la périphérie du bambou qu’à l’intérieur.

Tableau 1 : Présentation des résultats des MORt et MOEt obtenus sur 22 éprouvettes :

Rq : Les essais ont été réalisés avec des éprouvettes rabotées sur les quatre faces. Le fait que la cuticule ait été supprimée explique que les valeurs pour les éprouvettes proches de l’extérieur soient plus faibles qu’escomptées. Selon Atrops et al. (1969), le MORt varie de 151 à 210 MPa de l’intérieur vers l’extérieur (résultats obtenus sur 30 éprouvettes sans nœuds de section 1 x 10 mm). Cette information est de toute importance, car les éléments qui constituent notre lamellé-collé doivent être débités dans la zone périphérique de la section.

La valeur moyenne de la contrainte ultime sur l’épaisseur entière est : MORt = 238 MPa avec un coefficient de variation égale à 10%.
La valeur moyenne du module d’Young sur l’épaisseur entière: MOEt = 11 500 MPa avec un coefficient de variation égale à 19%.

A la vue de ces résultats, nous observons que le bambou est comparable en traction à un bois dense de droit fil en ce qui concerne le module d'Young.

Par ailleurs, du point de vue de la contrainte ultime de traction, il se place très nettement au-dessus de tous les bois couramment employés en Europe dans le domaine de la construction.

A titre d'exemple, nous avons joint ci-après un classement entre diverses espèces (résineux, feuillus, bambou).

Clasement entre différentes espèce de bois et du bambou Clasement entre différentes espèce de bois et du bambou

b) Les essais de compression

Le bambou, comme le bois, est un matériau cellulaire poreux qui, lorsqu'il est comprimé en grandes déformations, présente une courbe contrainte - déformation caractéristique où l'on peut observer un large domaine plastique. La moindre résistance à la rupture en compression est généralement expliquée par un mécanisme de rupture particulier connu sous le nom de "plan de cisaillement", faisant intervenir un phénomène de flambement lié à la décohésion des fibres [P.François et al. 1993].

Les essais sont réalisés sur une portion de la tige entre deux nœuds dont les dimensions sont normalisées (d’un diamètre D et d’une hauteur de 2D) et les portions sont découpées dans le sens longitudinal du chaume.

Le MOR en compression a une valeur moyenne égale à 61 MPa avec un coefficient de variation de 20%. Cependant, ces valeurs proviennent d’une large gamme de diamètres. Si on étudie le MOR à diamètre constant, alors le coefficient de variation est quasiment nul. Cette contrainte dépend donc fortement du diamètre du chaume et l’on peut noter que pour un diamètre de 40 mm la contrainte de rupture est de 80 MPa, alors que pour un diamètre de 60 mm elle est de 50 MPa.

La forte corrélation entre le diamètre et le MOR permet d’envisager un classement extrêmement simplifié pour des applications industrielles (classement en fonction du diamètre).

Toujours en vue de situer les performances du bambou en compression par rapport à celles d'autres bois connus, nous proposons l'histogramme suivant :

Figure 4 : contrainte ultime en compression axiale.

c) Les essais de flexion

Les valeurs relatives à la flexion sont les plus courantes dans la littérature, l’essai est facile à mettre en œuvre et nécessite peu de moyens. Quand dans une publication on annonce une résistance à la rupture sans exposer la méthode d’obtention il s’agit souvent de la contrainte à la rupture en flexion. Dans tous les cas le module d’élasticité MOE est toujours obtenu à partir d’un essai de flexion. Sur 13 articles détaillés par Jansen (1991) un seulement concerne un essai de flexion 4 points. L’essai de flexion 3 points est plus répandu car plus rapide et permet de ce fait la confrontation des résultats.

Pour des diamètres inférieurs à 60 mm, Le MOEf moyen est d'environ 13500 MPa et le MORf est en moyenne de 100 MPa. Pour des diamètres supérieurs le MOEf est de 6500 MPa et le MORf est de 50 MPa.

Selon les essais nous remarquons que le module d'élasticité en flexion MOEf croît avec la hauteur de l’échantillon dans le pied de bambou. Cette variation est confirmée par différentes publications [Sanyal et al. 1988 ; Jansen 1991], le MOEf est en moyenne de 14000 MPa et le MORf est de l’ordre de 90 MPa, pour des essences de bambou de la même famille botanique : Phyllostachys.

Figure 5: Module d'Young en flexion

d) Tableaux des Résultats et Analyse

Le bambou possède des propriétés mécaniques variant en fonction de la position de l’échantillon dans la tige. Le choix du diamètre semble être tout à fait indiqué comme paramètre de classification des propriétés. Un classement "machine", utilisant le diamètre comme paramètre sélectif, est facile à mettre en pratique à partir de ce qui se fait pour le classement du bois.

Un certain nombre de produits dérivés du bambou, sont disponibles actuellement en Asie, nous avons recensé : les panneaux de fibre, les panneaux fibrociment, les panneaux de particules, les panneaux contreplaqués pour plancher de camion, les panneaux tressés, les panneaux en lamellés collés, les parquets en lamellés collés, les poutres en lamellés collés etc... Ces nouveaux produits doivent être vérifiés vis à vis des exigences techniques conformément aux normes européennes en vigueur. De plus le large domaine d’application de ces derniers laisse présager un avenir certain.

Le bambou est donc une alternative possible de matériaux de construction ayant pour origine la biomasse. Sa culture est à mi-chemin entre la sylviculture et agriculture céréalière du point de vue de la durée des cycles de récoltes. Le développement de bambouseraies en Europe est tout à fait envisageable et fait actuellement l’objet de recherches. Le matériau bambou développe des propriétés de résistances et d’esthétisme intéressantes. Il peut donc être avantageusement utilisé dans le domaine de la construction, en tant que matériau structural, de décoration ou dans le domaine de l’ameublement.

e) Les performances Mécaniques Comparées

Comparons maintenant les performances du bambou par rapport à quelques matériaux usuels de construction (différentes essences de bois ainsi que le béton).

On remarquera que la résistance du bambou est principalement due à ses caractéristiques morphologiques, en effet l’épaisseur élevée de la paroi de ses cellules lui confère sa rigidité en traction axiale ; d’autre part la récolte du bambou se faisant sans sciage, juste une coupe et un transport, son énergie de production est très faible.

Les études effectuées sont nécessaires à l’éventuelle industrialisation du matériau, elles nous renseignent sur ses propriétés physiques, notamment les variabilités qui entrent en jeu dans la croissance du bambou.

Bibliographie

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